Brionne, le 19 octobre : journée d’action à l’appel de l’AMF et des élus communistes et républicains

Madame, Monsieur,
Je voudrais tout d’abord vous remercier d’avoir été si nombreux à répondre présents à l’invitation que je vous ai faite de nous retrouver ce matin pour évoquer ensemble un sujet grave et qui nous concerne tous : la baisse des dotations de l’Etat en faveur des collectivités locales.
Merci à mes adjoints et aux conseillers municipaux de la majorité et de l’opposition, merci à Maryvonne Hannoteaux, Conseillère Municipale d’Evreux pour leur participation ce matin.
Je voudrais également saluer la présence de mes collègues maires du canton qui ont bien voulu me rejoindre à cette occasion, ceints de leur écharpe :
– Yannick Malherbe, Maire de Saint-Victor-d’Epine
– Edmond Deshayes, Maire de Boisney, Vice-Pt de l’IPB
– Bruno Cottard, Maire de Livet-sur-Authou
– Yvon Heutte, Maire de Saint-Cyr-de-Salerne
– Pascal Finet, Maire du Bec-Hellouin, Vice-Pt de l’IPB
– Bernard Forcher, Maire de la Neuville-du-Bosc, Vice-Pt de l’IPB, Pt de l’Amicale des Maires
– Claude Deshayes, Maire d’Aclou
– Jean Duthilleul, Maire d’Hecmanville
– Christian Genet, Maire-Adjoint de Calleville, représentant Frédéric Scribot, excusé.
Mes chers collègues, votre présence à mes côtés, ici à Brionne, témoigne en effet de la gravité des réformes qui menacent l’avenir de nos communes et des services qu’elles rendent à notre population. Cette mobilisation des élus en France en ce 19 septembre est d’ailleurs sans précédent ! Elle témoigne avec acuité de l’urgence de la situation que vivent les communes (un millier seraient d’ores et déjà au bord de l’asphyxie, recensées comme en très grande difficulté) et elle reflète la profonde inquiétude de tous les élus, de gauche, de droite ou sans étiquette, qui doivent faire face simultanément à une forte réduction des moyens alloués par l’Etat (- 30%) et à un accroissement permanent des charges qui pèsent sur leurs collectivités.
En effet, les collectivités locales, et en premier lieu les communes et leurs intercommunalités, sont massivement confrontées à des difficultés financières d’une gravité exceptionnelle. Dans le cadre du plan d’économies de 50 milliards d’euros décliné sur les années 2015-2017, les concours financiers de l’Etat sont en effet appelés à diminuer :
– de 11 milliards d’euros progressivement jusqu’en 2017,
– soit une baisse cumulée de 28 milliards d’euros sur la période 2014-2017.
Dans ce contexte, l’ensemble des élus de l’AMF, toutes tendances confondues, a souhaité, à l’unanimité, poursuivre une action forte et collective pour expliquer de manière objective la situation et alerter solennellement les pouvoirs publics et la population sur l’impact des mesures annoncées pour nos territoires, leurs habitants et les entreprises.
C’est la raison pour laquelle, comme dans bien d’autres communes du pays, j’ai souhaité cette réunion publique extraordinaire à Brionne pour que le maximum d’habitants s’emparent de ces questions. Vu la gravité de la situation, il n’est en effet pas concevable que ce sujet reste enfermé en les murs des salles de conseil municipal ou de conseil communautaire. Ce n’est pas qu’une affaire d’élus, de spécialistes de la chose budgétaire ou d’experts financiers : ces décisions du gouvernement concernent tous les citoyens !
On parle de réduire la dette publique, la dépense publique. D’abord, oui, il faudrait vraiment un débat avec tous les français sur la question de la dette : pourquoi, pendant des décennies, depuis 1973 exactement, a-t-on obligé l’Etat à emprunter auprès des marchés financiers, qui se sont gavés avec notre argent, alors qu’il pouvait se financer à moindre coût auprès de la Banque de France ? Dans la dernière décennie, la dette de la France a explosé, et ce, sans que les Français en profitent, Français à qui on demande toujours plus de sacrifices, pendant que dans les banques et dans les grands groupes une minorité de financiers se goinfrent de bonus et de stock options (les 14 millions de Combes chez Alcatel). De ce fait une grande partie de la dette apparait illégitime, mais ce sont nos concitoyens qui en paient la facture. Quant à la dépense publique, elle doit certes être maîtrisée et contenue, mais de grâce, qu’on arrête d’exiger sa réduction à longueur d’antenne à la télé, à la radio, dans les journaux, car la dépense publique est utile à la nation : ce sont des écoles et des moyens d’apprendre pour nos enfants, ce sont des hôpitaux performants et des soins de proximité, des logements de qualité et en nombre suffisant, j’arrête là la liste, vous avez compris.
Revenons à nos collectivités et au rôle des élus. Aujourd’hui, il devient impératif pour nous d’être encore plus rigoureux dans la gestion des deniers publics. Et c’est ce que nous faisons. Et je rappelle ici que, contrairement à l’Etat, les collectivités territoriales sont tenues de présenter des budgets en équilibre en recettes et en dépenses. Et les élus locaux ont toujours tenu un discours responsable sur la nécessaire maîtrise des dépenses publiques. Aussi, aujourd’hui, les élus des communes et des intercommunalités vivent comme une terrible injustice que l’Etat leur demande de prendre en charge 25% de la dette publique, alors que seuls 9,5% de la dette est imputable aux collectivités. Et encore, à l’intérieur de ces 9,5%, seuls 4% sont de la responsabilité des communes et des intercommunalités !
Un effort aussi important demandé aux collectivités est non seulement une grande injustice, mais c’est aussi une erreur économique et un désastre social.
Une erreur économique car cette amputation de 30% des dotations a déjà provoqué une baisse de l’investissement du bloc communal de 12,4% en 2014. Et ce n’est pas fini, puisque les experts prévoient un recul de – 30% d’ici à 2017 ! Evidemment, quand on sait que l’investissement des collectivités représente près de 75 % de l’investissement public, ce repli massif des commandes des collectivités va avoir très vite des conséquences désastreuses pour l’emploi (ex. BTP) et va fragiliser la reprise pourtant indispensable au redressement des comptes publics.
Et un désastre social, car cette diminution drastique des ressources locales pénalise nos concitoyens, déjà fortement touchés par la crise.
On le voit bien, la fuite en avant dans toujours plus d’austérité mène le pays tout droit dans le mur, en alimentant le chômage de masse et en accentuant la spirale récessive.
En 2010, les communes et intercommunalités avaient déjà dû subir la suppression de la Taxe Professionnelle qui les avait privées de ressources dynamiques (c’est-à-dire liées à l’attractivité des territoires et aux efforts consentis par les élus pour la renforcer) et avaient fragilisé leurs budgets, en opérant un transfert massif de la fiscalité depuis les entreprises vers les ménages.
Aujourd’hui nous poussons un véritable cri d’alarme, car malgré les efforts entrepris dans nos villes et nos villages pour rationaliser, mutualiser et moderniser nos actions en faveur de la population, les quelques économies générées çà et là ne permettront pas à nos collectivités d’absorber une contraction aussi brutale de leurs ressources.
Surtout que dans le même temps nombre de contraintes viennent limiter nos leviers d’actions :
• rigidité d’une partie des dépenses = dépenses contraintes ou obligatoires (SDIS, participations à d’autres organismes, personnel)
• transfert continu de charges de l’Etat (réforme des rythmes scolaires, passeports, demain CNI, etc.) qui accentuent l’effet de ciseau
• inflation des normes (bâtiments, accessibilité, environnement, jeux, etc.)
Au final, quels choix s’offrent à nous ?
Augmenter la fiscalité ? Impensable ! Il faudrait des hausses d’impôts considérables pour compenser les pertes de dotations, et puis la pression fiscale globale a atteint un niveau difficilement supportable pour nos concitoyens.
Augmenter les tarifs des usagers des services communaux ou intercommunaux ? Là encore, c’est inconcevable et injuste car ce sont les familles, déjà fragilisées, qui en supporteront le coût avec des cumuls de charges insupportables (crèche, centre aéré, tap payants, déchets, transports scolaires…).
Dans ces conditions, la seule alternative qui reste aux élus est de procéder à des arbitrages douloureux affectant les services publics rendus aux habitants, et l’investissement.
EXEMPLES BRIONNE (voir annexe)
Maintenir notre identité rurale
Mais ça, nous ne pouvons pas nous y résoudre. La majorité des élus locaux de ce pays sont des gens responsables, conscients de la valeur de chaque euro, et qui se sentent comptables du bon usage des deniers publics. Non, nous ne sommes pas des « coasts killers ». Nous n’avons pas été élus par la population pour multiplier les coupes sombres dans les budgets et supprimer des services utiles aux gens. Nous n’avons pas été élus pour réduire ou supprimer les subventions à nos associations sportives ou culturelles qui oeuvrent tout au long de l’année pour animer nos communes et maintenir le lien social au cœur des villes et villages. Un territoire rural comme le nôtre, dans l’Ouest de l’Eure, a au contraire besoin d’être soutenu par l’Etat et les grandes collectivités pour maintenir une identité rurale de notre temps, moderne et vivante, une ruralité connectée avec un déploiement rapide du THD, une ruralité où la mobilité et les déplacements ne seraient plus des handicaps, où l’accès aux soins ou à la culture seraient facilités. Non, nos populations, déjà fragilisées par le chômage, par le mal-logement, par la désertification médicale, par le défaut de grands équipements culturels et de loisirs, ne doivent pas subir une purge supplémentaire au travers de ses baisses injustes et brutales de dotations de l’Etat.
Aujourd’hui, nous rappelons haut et fort à ceux qui nous gouvernent que les collectivités de proximité que sont les communes et les intercommunalités se trouvent, par la diversité de leurs interventions, au cœur de l’action publique pour tous les grands enjeux de notre société :
– elles facilitent la vie quotidienne de leurs habitants et assurent le « bien vivre ensemble » ;
– elles accompagnent les entreprises présentes sur leur territoire ;
– enfin, elles jouent un rôle majeur dans l’investissement public, soutenant ainsi la croissance économique et l’emploi.
C’est pour toutes ces raisons que nos communes soutiennent la demande de l’AMF que, pour sauvegarder l’investissement et les services publics locaux, soit révisé le programme triennal de baisse des dotations, tant dans son volume que dans son calendrier. En attendant nous réclamons du gouvernement un moratoire immédiat sur ces baisses programmées. C’est la survie de nos communes qui est en jeu, et avec elle la vie quotidienne des habitants et la qualité du vivre ensemble qui fonde notre pacte républicain.
Maintenant place au débat !
ANNEXE
La réduction des dotations de l’État pour la ville de Brionne représente une perte cumulée de 430 000 € environ de 2014 à 2017.
Pour compenser approximativement cette perte sèche, voici des exemples de mesures douloureuses qu’il serait nécessaire de prendre :
– 150% d’augmentation des tarifs de restauration scolaire, des centres de loisirs, des activités périscolaires et de la micro-crèche.
ou
– 65% d’augmentation de la part communale des impôts locaux (taxe d’habitation + taxes sur le foncier bâti et non bâti).
ou
– Suppression du service de ramassage des ordures ménagères, de la déchetterie, du traitement des déchets (IPB + SDOMODE)
ou
– Arrêt du service de restauration scolaire et d’une grande partie des activités en faveur de l’enfance et de la jeunesse.
ou
– Arrêt cumulé du chauffage dans tous les bâtiments municipaux (ex. écoles), de l’électricité, de l’eau, des assurances, des fournitures scolaires… mais il faudrait encore trouver quelques économies.
ou
– Fin cumulée de notre participation au service d’incendie et de secours (SDIS), des subventions aux associations, mais là encore il faudrait encore trouver quelques économies. Etc.