Hommage PCF à Pierre Semard devant la Prison d’Evreux – allocution de Jean-Michel Gaveau
Chers amis,
Chers camarades,
L’hommage rendu à Pierre Semard et votre présence dans la diversité témoigne d’un attachement aux valeurs universelles que des hommes tel que Pierre Semard ont contribué à enraciner dans la classe ouvrière, dans le mouvement social, dans tous les acquis sociaux, dans les orientations politiques.
Il est toujours bon de revenir inlassablement sur certaines pages de notre histoire. L’actualité montre qu’en période de crise, les relents d’idées d’extrême droite et de repli sur soit ressurgissent. La période de Pierre Sémard, c’est la période de soumission pour certains avec l’occupant, c’est aussi la collaboration de français. Ce sont heureusement des femmes, des hommes, des résistants qui, au péril de leur vie, n’ont cessé de défendre les valeurs humanistes: la paix, l’amitié, la liberté, l’égalité, la fraternité entre les peuples. C’est aussi la laïcité, la démocratie, l’ambition éducative. Aujourd’hui, tous les ingrédients sont là pour retrouver le terreau autorisant la destruction de ces valeurs. Je veux parler des acquis sociaux des années 36, ceux de la libération. Les services publics, le financement de la sécu, de la retraite. C’est la casse du Code du travail. C’est l’Etat d’urgence et la déchéance de nationalité que l’on veut institutionnaliser
Cela ressemble fort à ce qui s’est passé, par exemple, en 1932 sous la troisième république et sous la jeunesse de Pierre Sémard. Thomas Olszanski a été déchu sa nationalité française. Ce syndicaliste, d’origine polonaise, s’est réfugié en France, son pays étant alors sous occupation autrichienne. Il s’installe dans le bassin minier du Pas de Calais et devient un syndicaliste CGT de haut niveau et militant communiste. Sachant parler le français, l’allemand et le polonais, il prend en charge le secteur de la main d’œuvre étrangère, nombreuse dans le secteur minier. En 1931, 40% des mineurs sont polonais dans le Nord, en pleine crise capitaliste. L’état renvoie par trains entiers des milliers de travailleurs considérés en surnombre. Il en profite aussi pour se débarrasser des éléments jugés indésirables.. Thomas Olszanski semble à priori intouchable puisqu’il a acquis la nationalité française. Le gouvernement, s’appuyant sur une loi du 10 août 1927, l’accuse « d’avoir accompli des actes contraires à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat français ». La justice lui reproche d’avoir pris la parole lors d’un meeting « pour exhorter les ouvriers français et étrangers à se révolter et à renverser le régime capitaliste».
De nombreuses personnalités le soutiennent en s’appuyant là encore d’une loi de 1927 : « l’étranger naturalisé jouit de tous les droits civils et politiques attachés à la qualité de citoyen français ».
Le gouvernement d’alors à coloration radicale-socialiste, (tout rapprochement avec le gouvernement actuel est à peine volontaire), signe un décret d’expulsion le 19 avril 1934. Désormais apatride, Thomas Olszanshi est contraint à la clandestinité car pourchassé pendant des mois. Il fuira la France et demandera l’asile politique en URSS.
N’y a t il pas là des rapprochements à faire entre les salariés de Good Year, les charters qui ramènent les sans papiers, les réfugiés de Calais?Lorsque nous constatons que les attaques redoublent contre l’emploi stable, le pouvoir d’achat, l’école, les libertés syndicales, les libertés tout court. Ce sont les collectivités territoriales asphyxiées et la démocratie bafouée. Ce sont les parlementaires ignorés, y compris ceux faisant partie de la majorité gouvernementale. C’est une équipe gouvernementale en crise, sur la défensive autour de son monarque désavoué par 80% des français, selon les derniers sondages.
Cette période n’est certainement pas à banaliser car, si nous y regardons bien, la crise financière des années 30 au retombées mondiales a bien été le début du processus de l’arrivée du fascisme en Allemagne. Nous vivons des périodes similaires et même plus complexes car le capitalisme s’est financiarisé et mondialisé. Notre planète est une véritable poudrière, dirigée par des politiques et des financiers totalement déconnectés du monde réel, du monde qui souffre, qui meurt. Nous assistons impuissants au déplacement de dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants recherchant la sécurité, la paix, en mal de nourriture, de logement et de travail. Les politiques nationales et européennes sont affaiblies au profit de structures tenues de main de fer par des politiques et des technocrates soumis aux idées du chacun pour soit. C’est un MEDEF, par la voie de leur grand patron Gattaz qui, sans aucun complexe s’acharne justement à décortiquer et démanteler tous les acquis sociaux issus de la période de Pierre Sémard. C’est un Président et un gouvernement, soit disant de gauche, qui ont fait le choix de poursuivre la politique du président et du gouvernement précédent de droite, s’éloignant toujours plus de ses électeurs. Ce sont les scandales financiers, les affaires politico-juridiques, les affaires people qui se succèdent et qui laisse penser que droite-gauche c’est la même chose.
Ne banalisons surtout pas cette période de Pierre Semard et sans faire de copier coller avec notre période d’aujourd’hui, sachons prendre un peu de recul pour mieux comprendre là où nous risquons d’aller si nous ne créons pas un rapport de force suffisant pour inverser les choses et resituer l’humain au cœur de la société et non l’argent. Il ne s’agit pas d’entretenir un mythe mais plutôt d’éclairer les générations actuelles sur notre histoire afin de trouver les meilleurs chemins pour construire l’avenir.
Cette connaissance de l’histoire du mouvement politique et social est indispensable pour réfléchir aux enseignements du passé dans le sens positif ou négatif, mais aussi pour combler les vides que les versions partiales de l’histoire sociale laissent subsister quand la vérité dérange ou accable les différents gouvernants qui ont été au pouvoir sur la période militante de Pierre Semard. C’est aussi rappeler aujourd’hui tout ce que la politique qui est menée actuellement en France en Europe et dans le monde est lourde de conséquences pour les générations actuelles et à venir.
Rappelons par exemple que le 10 juillet 1940, Pétain et Laval après avoir dissout la 3ème République, ont démis l’assemblée des parlementaires élus en 1936, après avoir déchu les députés communistes.
C’est ainsi que l’Etat français fût dirigé par une dictature fascisante du 10 juillet 1940 à la Libération servilement soumise aux exigences des nazis.
Il ne s’agit pas d’une version partisane de l’histoire mais le rappel d’un constat indiscutable que l’histoire dite officielle tend à occulter tant elle est lourde de culpabilité pour les politiciens qui en 1936 avaient proclamé : « Mieux vaut Hitler que le Front Populaire ».
Certes, l’Etat français a reconnu sa responsabilité de l’époque dans la déportation des juifs vers les camps d’extermination. Mais il faut aller au bout de la vérité en reconnaissant que de nombreux patriotes, militants ouvriers syndicalistes, souvent communistes arrêtés dès 1939 et condamnés par la justice française ont été livrés par l’Etat français aux nazis qui les ont fusillés comme ce fût le cas pour Pierre Semard.
Ces années noires sont accablantes pour les adeptes de la collaboration mais glorieuses pour les patriotes ayant eu la dignité et le courage de désobéir à ce pouvoir maudit et de s’insurger, au péril de leur vie contre sa politique de soumission au nazisme.
Pierre Semard fût de ceux-là. Il fût révoqué deux fois de la SNCF, emprisonné plusieurs années et finalement exécuté à la prison d’Évreux le 7 mars 1942.
Dans sa dernière lettre, il s’adresse aux Cheminots et aux Français en ces mots :
« Une occasion inespérée me permet de vous transmettre mon dernier mot, puisque dans quelques instants je serai fusillé.
J’attends la mort avec calme, je démontrerai à mes bourreaux que les communistes savent mourir en patriotes.
Ma dernière pensée est pour vous, Camarades de lutte, avec tous les Français patriotes.
Je meurs avec la certitude de la libération de la France.
Dites à mes amis les Cheminots qu’ils ne fassent rien qui puissent aider les nazis.
Les Cheminots me comprendront, ils m’entendront, ils agiront, j’en suis convaincu.
Adieu, Chers Amis, l’heure de mourir est proche. Mais je sais que les nazis qui vont me fusiller sont déjà vaincus et que la France saura poursuivre le combat. »
Pierre Semard incarne une probité et un engagement bien au-delà du simple courage. Son exécution au bout d’un long chemin militant, frappe un homme incarnant une corporation dont il avait été le porte-parole dans les moments forts de ses luttes mais aussi de son aventure professionnelle. C’est d’ailleurs le but des occupants de terroriser le monde des cheminots qui a joué un rôle primordial dans la Résistance. Son autorité syndicale au temps fort du Front Populaire puis à la naissance de la SNCF en 1937 donne à son exécution une dimension symbolique que le Parti Communiste clandestin mit en avant pour élargir l’action résistante au moment où elle était frappée par une terrible répression.
Si des voix s’élèvent sur la soumission des dirigeants de la SNCF aux gouvernement pétainiste, sachons que des cheminots ont payé très cher la résistance au fascisme : près de 9 000 morts et 16 000 blessés, plus de 800 fusillés ou massacrés, et 1 157 morts en déportation.
Le 10 août 44, la Bataille du Rail culminera avec le déclenchement dans la Région parisienne d’une grève insurrectionnelle, qui s’étend à tout le pays, paralysant les transports de la machine de guerre allemande et contribuant ainsi de façon déterminante à la Libération de Paris et de la France.
Pierre Semard fût une personnalité majeure de l’histoire sociale et politique de la France du 20ème siècle. Pierre SEMARD était un visionnaire. En tant qu’administrateur de la SNCF, il prônait un développement harmonieux des différents modes de transport, dans lesquels ces derniers opéreraient en complémentarité et non en situation de concurrence. Cela impliquait une égalisation des charges sociales entre les différents modes. C’est sur la base de ces principes que la Fédération CGT des Cheminots avait déposé un projet de statut des travailleurs routiers qui s’inspirait beaucoup du statut des cheminots. Cette démarche est l’exact contraire de ce qui se pratique actuellement, qui voit nos dirigeants (de la SNCF, comme les politiques) s’engager toujours plus loin dans la voie de la concurrence, ce qui se traduit par une pression toujours plus forte sur les salariés, aussi bien cheminots que ceux du transport routier.
Le transport ferroviaire lui-même, pour lequel Pierre Semard a tant donné, est méthodiquement démantelé sous les injections de Bruxelles, au nom de la libre concurrence.
Nous apprenons qu’Hervé Morin fait ainsi part au Premier ministre Valls de sa volonté d’obtenir rapidement de l’État l’achat de nouveaux trains pour améliorer la situation de la desserte ferroviaire en Normandie, principalement sur les lignes Paris-Caen-Cherbourg et Paris-Rouen-Le Havre. A priori une bonne nouvelle. Si ce n’est que Monsieur Morin, rajoute que si l’Etat répond favorablement à ces revendications, celui-ci se dit prêt à ce que la Région se substitue à l’Etat dans la gouvernance de ces trains régionaux sur ces deux lignes.
Ainsi, sans discuter, sans négocier, les deniers publics de la région se substitueront à l’Etat et peut être même à la SNCF. La gestion de ces lignes et de ces trains ne risque t elle pas de glisser vers une société privée ?
Plus que jamais, notre double devoir consiste donc non seulement en un « devoir de mémoire », mais aussi et peut-être surtout un « devoir de résistance », pour nous montrer dignes du combat de Pierre Semard en faisant souffler un vent nouveau.
Les échéances électorales en 2017 amorcent peut être une autre façon de faire de la politique. Inspirons nous de Pierre Semard, en faisant de la politique autrement, au plus près des gens et avec les gens. Faire ce que l’on dit en se donnant les moyens d’y parvenir. Dans le cas contraire, la déception est d’autant plus dure que nous laissons un boulevard à la droite et son extrême.
La gauche, la vraie gauche, s’entend, se cherche un autre avenir et les moyens d’y parvenir en tentant de conjurer cet éternel recommencement : un bel espoir suivi d’une immense déception. Tout le monde en parle mais reconnaissons le, c’est un peu compliqué d’autant que le débat s’avère clivé sur l’homme providentiel plutôt que sur les questions de fond, celles de sortir de ce cercle infernal de la monarchie présidentielle et de la mainmise de la finance sur l’économie.
Le Conseil national a adopté le « Projet de base commune de discussion» soumis par la direction nationale aux débats des communistes pour le 37eme congrès du PCF qui aura lieu du 2 au 5 juin.
Le PCF lance notamment « une grande consultation citoyenne pour construire un mandat populaire pour 2017 », avec l’objectif de rencontrer 500.000 personnes d’ici la fin de l’été. Le PCF propose de construire dès maintenant, à travers des « état généraux » dans chaque circonscription des candidatures aux élections législatives pour une majorité sur un contrat de législature démocratique et d’intégrité.
Il propose de s’incrire dans le processus de primaire à gauche sur la base de la construction avant l’été d’un socle commun d’entrée dans cette primaire. Pour le conseil national, « ce processus, pour réussir, passe par une démarche collective, populaire et citoyenne ». Il doit viser à « écarter l’impasse Hollande et Valls par l’émergence d’une autre voie à gauche ».
La bataille idéologique, politique doit prolonger les luttes syndicales comme ce 8 mars, journée internationale des droits des femmes, le mercredi 9 mars, journée d’action contre la loi El Komri, le jeudi 10 mars, journée nationale d’action des retraités, le samedi 12 mars, journée nationale contre l’Etat d’urgence et la déchéance de nationalité. Sans doute d’autre journées avant la grande journée d’action unitaire du 31 mars.
Rappelons enfin le 1er mai. Les communistes proposent après la manifestation un repas citoyen à la halle des expositions. Pierre Semard tu peux compter sur nous pour continuer à porter le flambeau de la résistante pour la construction d’un monde meilleur.
Merci de votre attention.
Très bel hommage.
Merci